Comment le Yoga peut nous aider à nous libérer de l'alimentation émotionnelle
L’alimentation émotionnelle désigne le fait d’ingérer de la nourriture de manière compulsive lorsqu’une émotion perçue comme désagréable se manifeste (consciemment ou non). Ce comportement alimentaire est courant et ne provoque pas toujours de souffrances. Cependant lorsque la culpabilité ou la conte surgissent suite aux compulsions, il est intéressant de questionner son rapport à la nourriture. L’une des réponses à l’alimentation émotionnelle, peut être le Yoga. En effet, cette approche holistique nous offre des outils efficaces pour rééquilibrer notre relation à la nourriture et vivre nos émotions de manière consciente et bienveillante. Dans cet article, j’aborde comment le Yoga peut être une aide précieuse pour une relation plus saine à la nourriture.
La philosophie du Yoga selon Patanjali, une vision holistique pour cultiver le bien-être et la paix intérieure
Les Yoga-sutras de Patanjali est l’un des textes fondateurs du Hatha Yoga. La pratique du Yoga a pour but de se libérer des entraves de la condition humaine (en d’autres termes : de la souffrance). Ce texte, composé de 195 aphorismes, est d’une grande richesse et peut être utilisé au quotidien pour explorer la relation de soi à soi. Patanjali explore la psyché humaine et nous propose une méthode concrète pour vivre chaque instant pleinement.
La maitrise des afflictions mentales (Kleshas)
Patanjali décrit les causes de la souffrance humaine (Kleshas) au nombre de 5 :
Avidya : l’ignorance
Asmita : l’égo
Raga : le désir de posséder
Dvesha : le refus d’accepter
Abhinivesha : la peur irrationnelle de la mort
Selon Patanjali, en explorant ces différents états émotionnels et systèmes de pensées, on peut commencer à apaiser nos souffrances.
Par exemple, à cause de l’égo (Asmita), nous nous identifions à nos pensées, à nos croyances ou encore à ce que d’autres personnes attendent de nous. Lorsqu’on souffre d’alimentation émotionnelle, cela peut avoir de lourdes conséquences sur notre rapport à l’alimentation. On peut finir par s’imposer des règles alimentaires qui ne sont pas alignées avec nos valeurs profondes, ou encore chercher constamment à perdre du poids non pas pour être en pleine santé mais pour répondre à des injonctions sociales (appréciation des corps minces). Vous voyez où je veux en venir ?
Le respect de principes éthiques (Yamas et Niyamas)
Les Yamas et les Niyamas sont des règles et des principes moraux. Les Yamas sont des règles de conduite visant à cultiver des relations harmonieuses avec les autres. Les Niyamas sont des règles de conduite qui régissent notre comportement interne, nos attitudes envers nous-mêmes et notre développement personnel.
Yamas :
Ahimsa : Non-violence, éviter de causer du tort aux autres.
Satya : Vérité, dire la vérité et vivre en accord avec elle.
Asteya : Non-vol, ne pas prendre ce qui ne nous appartient pas.
Brahmacharya : Modération dans les plaisirs.
Aparigraha : Non-possessivité, se détacher de l'attachement excessif aux possessions matérielles.
Niyamas :
Shaucha : Pureté, maintenir la propreté du corps et de l'esprit.
Santosha : Contentement, cultiver la satisfaction dans l'instant présent.
Tapas : Discipline, l'ardeur et l'effort pour maintenir une pratique régulière et forte.
Svadhyaya : Étude de soi, la réflexion sur soi et l'étude des textes.
Ishvara Pranidhana : Abandon à la vie, lâcher-prise, réalisation qu’on ne contrôle rien
Dans le cadre d’une relation troublée à l’alimentation, l’application progressive de ces principes éthiques peut s’avérer très utile !
Par exemple, pratiquer Satya (la vérité) envers soi-même peut nous amener à mieux gérer les émotions perçues comme désagréables. En les regardant avec honnêteté, sans les enfouir sous une montagne de nourriture, il est possible de comprendre enfin quel est leur message et mettre en place les actions qui y répondent concrètement dans notre vie quotidienne. Ecouter ce que nos émotions ont a nous dire avec honnêteté et dans la vérité est l’une des voies de libération de l’alimentation émotionnelle.
Le lâcher-prise et le non-attachement
En cultivant une conscience paisible, Patanjali nous invite à trouver la voie du lâcher-prise et du non-attachement (Vairagya).
Ici on ne parle pas seulement d’un non-attachement aux éléments matériels, mais également aux évènements internes : nos pensées, nos croyances, nos émotions.
Cet aspect de la philosophie du Yoga selon Patanjali est précieux pour se libérer de l’alimentation émotionnelle. En effet, la compréhension des différents mécanismes qui influencent nos conditionnements et nos schémas comportementaux est indispensable (à mon sens) pour se libérer de ce fardeau. Mais le lâcher-prise est également primordial, notamment sur ce qui ne dépend pas de nous.
La pratique du Yoga comme outil pour mieux vivre ses émotions
Système nerveux, respiration et émotions
La pratique du Yoga et notamment des Pranayamas (respirations conscientes) active le système nerveux Parasympathique, celui-là même qui est en charge de nous apporter calme, sérénité et détente (il gère aussi notre digestion).
Vous voyez où je veux en venir ?
Pratiquer le Yoga incluant des respirations conscientes et cultivant une vraie présence dans notre corps apaisera notre réactivité émotionnelle et nous permettra de vivre nos émotions avec plus de douceur.
On peut même imaginer intégrer quelques respirations conscientes avant toute prise alimentaire.
J’inspire sur 5 temps, j’expire sur 5 temps … répète 5 fois. Ok, tu peux manger ! (en conscience)
L'inconfort transformé : Comment les Asanas nous enseignent à gérer nos émotions et notre relation à la nourriture
Confort dans l’inconfort, maitrise, relâchement dans l’effort, la pratique des Asanas (postures) nous apprend à mieux gérer les inconforts du quotidien (physiques et émotionnels).
Les Asanas, qui exigent de maintenir des positions parfois inconfortables, peuvent offrir une belle métaphore de la gestion de l’inconfort émotionnel. Pratiquer ces postures, peut nous permettre de mieux aborder et gérer l’inconfort émotionnel sans se précipiter vers notre béquille émotionnelle préférée : la nourriture.
Et si vous preniez quelques instants pour vous installer dans le Guerrier 2 ?
Restez dans cette position pour 5 respirations longues et profondes.
Remarquez comme certains muscles de votre corps ne nécessitent pas d’être utilisés ici : les muscles du visage par exemple.
Est-ce possible de tolérer cette posture qui devient inconfortable pour une respiration de plus ?
Est-ce possible de prêter attention à vos ressentis émotionnels avant de vous diriger vers la nourriture lorsque l’envie devient urgente ?
La présence, comme une boussole intérieure
Le Yoga de Patanjali nous enseigne avant tout à cultiver une réelle présence. Une présence dans ses ressentis physiques mais aussi et surtout dans ses fluctuations mentales : les pensées !
“Yoga Chitta Vritti Nirodhah” I.2 - Le Yoga est la maitrise des fluctuations du Mental.
Pour y arriver à une “maîtrise”, il faut déjà en prendre conscience.
Souvent, nous nous laissons emporter dans le fil de nos pensées automatiques. Nous les laissons nous envahir de leurs scénarios catastrophes et de leurs opinions négatives de nous-même.
Dans le cadre d’une relation troublée à l’alimentation, ces pensées automatiques sont souvent bloquées sur l’alimentation elle-même. Etant un sujet de perte de contrôle régulier (lors des compulsions émotionnelles), la nourriture est mise sous surveillance constante. Beaucoup d’énergie et de temps mental est consacré à prévoir les prochains repas, à s’imposer des règles alimentaires, à trouver des stratégies d’évitement des crises. Tous cela est généré par les pensées automatiques dont nous n’avons même pas conscience. A terme, cela peut entrainer un tel contrôle et une telle charge mentale que nous nous installons dans un état de vigilance constant et de stress chronique.
Remettre de la présence dans son quotidien consisterait à prendre conscience que ces pensées automatiques sont à l’oeuvre et à s’en détacher pour se préoccuper d’autres sujets.
La pleine présence pratiquée dans le cadre du Yoga permettra également :
une meilleure identification des ressentis émotionnels
de mieux ressentir la faim et la satiété
de s’autoriser à ressentir du plaisir
Alimentation émotionnelle et Yoga, une évidence
La plus grande difficulté dans l’alimentation émotionnelle
Le refus de ressentir me semble être la plus grande difficulté dans l’expérience d’une relation troublée à la nourriture. Que cela soit conscient ou inconscient, le refus de ressentir ce qui pourtant est là (et prend souvent toute la place), engendre les compulsions alimentaires liées à l’alimentation émotionnelle. La nourriture est utilisée comme sédatif émotionnel.
Je parle ici principalement d’un refus de ressentir ses émotions ou une émotion particulièrement perçue comme désagréable. Ces ressentis émotionnels peuvent être lié à un évènement ou à une situation douloureuse, qu’on a du mal à regarder en face.
Identifier cette difficulté est la première étape pour s’en libérer, ensuite c’est la pleine présence qui prend le relais.
De nombreuses études montrent l’efficacité de la méditation de pleine conscience dans les problématiques de santé mentale. Les exercices de méditation ont un impact très positif dans le cas d’une relation troublée à l’alimentation (les études sont menées auprès d’un public souffrant de TCA - Trouble de la Conduite Alimentaire - diagnostiqué).
Le Yoga, une réponse appropriée à l’alimentation émotionnelle
En offrant un cadre et un environnement sécurisant et neutre qui permet de se distancer des stimuli émotionnels qui poussent à manger de manière compulsive, le Yoga propose une pratique “refuge”, non liée à la nourriture. L’idée n’étant pas de remplacer le comportement vis à vis de la nourriture, mais de trouver une pratique saine et joyeuse qui nous apporte le réconfort dont on a parfois besoin, loin de la cuisine.
Associé à un accompagnement thérapeutique, le Yoga est un excellent outil pour :
se connecter au moment présent
explorer ses sensations corporelles dans un cadre sécurisant et adapté
acquérir de la douceur envers soi et envers son corps
explorer ce qui est confortable ou non
apprendre à s’autoriser de faire le choix du confort et du plaisir (avant la performance)
comprendre comment ses états émotionnels fluctuent et faire avec
S’émanciper des injonctions sociales par la pratique du Yoga
Loin des yogis d’Instagram, la pratique d’un Yoga basé sur l’émancipation de tous les corps peut permettre aux personnes souffrant d’une relation troublée à l’alimentation de s’affranchir des injonctions sociales qui pèsent lourdement sur leur image de soi et leur rapport au corps.
La culture de la minceur et des corps musclés mais fins a envahi nos imaginaires jusque dans notre intimité. Réaliser que notre volonté de perdre du poids, de contrôler notre poids, de se mettre au régime avant l’été n’a de sens que pour une société consumériste et productiviste, sera salvateur.
En 2023 en France, le marché de la diététique a généré un chiffre d’affaires de près de 400 millions d’euros.. En 2022 aux USA, on parle de 945.5 milliards de dollars.
Certains industriels on bien compris les enjeux, et ils se sont immiscé jusque dans nos intimités pour nous faire croire que la volonté de maîtriser notre poids venait de nous-même. “C’est pour moi que je veux le faire”, “je me sentirais mieux”, “les autres n’ont rien à voir” bien sûr que c’est pour nous. Car la pression sociale ressentie lorsqu’on a des kilos “en trop” est insupportable.
Mais ça sera l’objet d’un autre article, car il y a tant à dire !
En intégrant les principes du Yoga dans notre quotidien, il est possible de se libérer de l’alimentation émotionnelle et d'adopter une approche plus consciente et apaisée face à la nourriture. La pleine présence, le lâcher-prise et l’attention portée aux sensations corporelles sont autant de clés qui nous permettent de créer un espace intérieur de paix et de sérénité. En pratiquant le Yoga, nous pouvons nous émanciper des injonctions sociales et des comportements alimentaires automatiques, tout en en développant une relation plus équilibrée et nourrissante avec notre corps et notre esprit. Si vous êtes prêt.e à tran